- Tout va bien – 1er commandement du clown
- France
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- 2014
- Réalisation. Pablo Rosenblatt. Émilie Desjardins
- Image. Sylvie Petit, Thibaud Oscar
- Son. Pablo Rosenblatt
- Montage. Émilie Desjardins
- Musique. Axel Krygier
- Producteur(s). Christian Pfohl
- Production. Lardux Films, TVM Est Parisien
- Distributeur. Coopérative Direction Humaine des Ressources
- Date de sortie. 19 février 2014
- Durée. 1h33
- voir la bande annonce
L'école du rire, par Pierre-Édouard Peillon
Tout va bien – 1er commandement du clown
Huis-clos intĂ©gralement dĂ©diĂ© aux cours dispensĂ©s Ă l’intĂ©rieur d’une Ă©cole de clowns, Tout va bien n’en demeure pas moins un film politique. en se repliant sur la formation d’une poignĂ©e d’Ă©lèves, le documentaire de Pablo Rosenblatt et Émilie Desjardins fait de cet espace restreint un laboratoire marginal oĂą l’on apprend Ă manier avec art l’Ă©chec et la bizarrerie – ces rebuts d’une sociĂ©tĂ© prosternĂ©e devant la rĂ©ussite et la normalisation.
Trouver son clown
Traditionnellement, les clowns Ă©taient d’anciens acrobates qui, une fois devenus trop vieux pour effectuer leurs Ă©lĂ©gantes cabrioles, se tournaient vers des gesticulations bouffonnes moins casse-cou. Comme le constate l’une des professeurs intervenant dans Tout va bien. il y avait donc une forme d’adĂ©quation entre ces artistes dĂ©chus – ces anges gracieux contraints de troquer la voltige contre la glissade – et leur art comique de l’humiliation auto-infligĂ©e. Mais aujourd’hui, dès lors que la moyenne d’âge des apprentis-clowns ne dĂ©passe pas les 30 ans, comment envisager une formation ès pitreries. En passant par un mise Ă nu et une dĂ©construction des habitus pour mieux les tourner en dĂ©rision. « Trouver son clown », ce leitmotiv ressassĂ© par tous les enseignants, devient progressivement synonyme d’un consentement Ă ĂŞtre diffĂ©rent en tournant le dos au « formatage ». Si l’Ă©mergence de ce message politique, prenant Ă contre-pied tout ce qui nous serait « imposĂ© » par la sociĂ©tĂ© pour faire l’Ă©loge d’une poĂ©sie « en action », s’affirme assez rapidement comme l’horizon vers lequel navigue le documentaire, un autre thème agite le film, mĂŞme si Pablo Rosenblatt confie avoir voulu l’Ă©vacuer. celui de l’enseignement.
Un documentaire sur l’Ă©ducation
MalgrĂ© la volontĂ© des rĂ©alisateurs de faire un film plus tournĂ© vers les Ă©lèves que vers l’enseignement, Tout va bien se rĂ©vèle ĂŞtre un excellent documentaire sur l’application d’une pĂ©dagogie. L’objectif de l’Ă©cole Samovar Ă©tant Ă la fois marginal (une formation Ă la dĂ©formation) et parfaitement normĂ© (un professeur rappelle Ă ses Ă©lèves qu’il est lĂ pour les « prĂ©parer Ă la vie active »), la pĂ©dagogie mise en place ne cesse de parcourir cet interstice entre la libĂ©ration de pulsions enfouies chez les apprentis-clowns et leur canalisation. Cet exercice d’Ă©quilibriste s’incarne dans une accumulation de formules paradoxales parfois plus dĂ©concertantes et inintelligibles que vĂ©ritablement Ă©clairantes. Une scène avec un professeur cabotin qui, dans un sommet de malaise, provoque chez ses Ă©lèves une suite de crise de larmes, paralysie complète, balbutiements incontrĂ´lables et un agacement franchement justifiĂ©, tend Ă prouver que ce n’est pas parce qu’une formation cherche Ă s’inscrire Ă contre-courant des Ă©coles « normales » qu’elle s’extraie pour autant des dĂ©fauts de ces dernières. l’enseignement continue de reposer sur l’Ă©mancipation des Ă©lèves et une façon dĂ©tournĂ©e pour les professeurs d’exercer, avec plus ou moins de subtilitĂ©, une autoritĂ© intimidante.
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